La chapelle Sainte-Émilie de Rodat est un des sanctuaires de Villefranche les plus vénérés. La première pierre de l’édifice est posée le 14 avril 1951 dans la gache de la fontaine, et sa crypte, ancienne salle capitulaire du monastère des Cordeliers qui occupait les lieux quelques années avant la bastide, abrite la tombe de la fondatrice de la congrégation des sœurs de la Sainte Famille, canonisée en 1950 par le pape Pie XII. Mais à y regarder de plus près, le visiteur averti peut y trouver les chefs-d’œuvre de quelques-uns des plus grands artistes contemporains de l’époque que les recherches de Ludovic Lemercier ont dernièrement mis en lumière pour les placer à leur juste valeur. On peut citer ainsi Philippe Kaeppelin, l’auteur du tympan, de l’autel et des hauts-reliefs de la nef dont les beaux volumes ont été créés par l’architecte Bosser sur les indications de dom Odilon Hitier. Kaeppelin (1918-2011) était lauréat de l’école des Beaux-Arts de Paris et a magnifié son art en réalisant des œuvres liturgiques que l’on trouve dans de nombreuses églises, notamment la grande et belle croix en cristal de Notre-Dame du Puy-en-Velay où il est né. On peut admirer dans la crypte la fresque de Jacques Bringuier, né en 1925 à Béziers, qui aimait à dire «je ne peins pas je dé-peins», et dont on ne compte plus le nombre d’expositions ni les musées qui ont acquis ses œuvres. Puis les vitraux de Gabriel Loire (1904-1996) qui a embelli la lumière d’un bon millier de baies d’églises, sans compter ses mosaïques murales dans de nombreux pays d’Europe, au Japon comme au Liban ou pour le continent américain. Les vitraux de l’atelier Loire pour la chapelle Sainte-Émilie ont été réalisés d’après les dessins de Gustave Singier (1909-1984), autre artiste singulier qui connaissait l’Aveyron pour avoir travaillé avec le maître verrier Perrot chez les dominicaines de Monteils, et dont les œuvres sont accrochées aux cimaises des plus grands musées.

 

Quant à la châsse de la sainte, elle est de Jean Dulac (1902-1968), peintre et sculpteur dont plusieurs œuvres font partie des collections du musée des beaux-arts de Lyon, et qui a œuvré ici avec la collaboration artistique des moines de l’abbaye de Saint-Benoît d’En-Calcat. On ne saurait terminer le tour d’horizon artistique de cette chapelle sans citer la statue de la sainte, œuvre de Denys Puech (1854-1942), le sculpteur issu d’une famille de paysans rouergats, plusieurs fois lauréat du grand prix de Rome, plus jeune membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1905 et directeur de la Villa Médicis pendant plus de dix ans. Lieu sacré, la chapelle Sainte-Émilie de Rodat de Villefranche est donc aussi l’écrin merveilleux d’un mouvement artistique représentatif du milieu du XXe siècle, et la fierté des habitants du cœur historique de la bastide.

 
Publié le 16/07/2017 à 03:50 pour le journal La Dépêche