Témoignage

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Témoignage d’Antoine Rolland (prieenchemin.org)

Cette semaine de Carême, nous rencontrons une personne inspirante qui nous raconte son parcours de conversion écologique. Nous cherchons aussi à comprendre en quoi sa foi chrétienne soutient son engagement pour un monde plus juste et plus respectueux de la terre et de ses habitants Écoutons d’abord, puis prenons un temps d’intériorité pour laisser son témoignage faire écho en nous.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’être avec Antoine Roland. Antoine, tu habites à Lyon où tu nous parle aujourd’hui. Et tu es membre de l’Église protestante unie de France. Tu es statisticien de profession et engagé de multiples manières au service de l’écologie. L’une de ces manières, c’est justement d’être ambassadeur au sein du réseau Église verte.

Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ton propre itinéraire de conversion écologique ?

Dans le mot conversion, j’entends quelque chose de rapide et soudain. Moi, ça serait plutôt une conversion au long cours. La conscience écologique, je la date de mes années de scoutisme. De ces moments où j’ai pu profiter de la vie dans la nature, du contact avec elle, d’aller dans la forêt, dans des prairies au grand air. Et puis avec l’âge, en est ressorti deux choses par rapport à cette nature. A la fois l’envie de la connaître le besoin de s’en émerveiller. Et le lien avec la foi a toujours été évident. Dans le Credo, on parle de Dieu créateur du ciel et de la terre. Et pour moi, croire en un Dieu créateur, c’est croire qu’il a effectivement créé le ciel, la terre et tout le vivant qui nous entoure.

Croire et respecter ce Dieu, c’est aussi respecter cette création qui nous est donnée. Ce respect de la création est vraiment quelque chose d’enfoui en moi depuis très longtemps. Cela étant, j’ai eu tout un itinéraire personnel, d’engagement pratique et concret dans l’écologie, pratique, sociale, politique et également au sein de l’Eglise.

Toutes ces rencontres, toutes ces lectures, la question de comment faire pour mettre en place des actions plus écologiques aux quotidien dans notre vie, ça passe par du compost, par une finance et une épargne dédiée à l’écologie plutôt que dédiée aux actions destructrices de la nature, des engagements dans des structures sociales pour lier toujours la question écologique avec la question sociale, engagement politique de dire on n’est pas en dehors de la cité et si on veut faire bouger les choses, il faut les faire bouger aussi, là où les décisions publiques se prennent.

Tout cet ensemble m’a amené à faire mien le concept de justice climatique que je trouve assez intéressant. Et je dirais qu’aujourd’hui, dans mon chemin de conversion écologique, j’essaye d’être le plus juste possible. Juste envers les personnes qui m’entourent, juste envers la nature qui m’entoure, juste envers les autres habitants de cette planète aujourd’hui et juste envers les générations futures également.

Tu nous parle du berceau qu’a été pour toi le scoutisme dans ton chemin de conversion écologique et de la manière dont ça s’est ensuite élargi vers un questionnement de la société et une mise en relation entre cette question écologique, la création et la nature et la question sociale. Est ce qu’il y a un moment ou une expérience qui a joué dans ce cheminement et dans cet élargissement ?

Je dirais que c’est vraiment en continuité avec le fait de se dire que je m’intéresse à la protection de la Création, la nature qui nous entoure. Quand je vais discuter avec les gens qui s’y intéressent déjà, je me rends compte qu’ils lient tous ou quasiment tous cette protection de la nature avec la protection des plus faibles. Et là, ça me renvoie au message de l’Évangile. Et quand je vois ça, quand je lis l’Évangile aussi, ça me renvoie dans mes lectures de mon interprétation de Heureux les pauvres, Bienheureux aussi le reste du vivant qui se laisse massacrer, on va dire par l’activité humaine.

On sent que ce chemin de conversion pour toi n’a pas été solitaire. Est-ce que tu pourrais nous raconter quel rôle ont joué les rencontres dans ces prises de conscience ?

Je dirai que c’est un cheminement en compagnonnage avec d’autres, d’autres penseurs, d’autres praticiens, d’autres personnes qui réfléchissent et agissent pour la protection de l’environnement. Effectivement, au niveau politique, j’ai rencontré des gens admirables d’engagement et d’abnégation. Au niveau associatif aussi, en particulier dans le milieu de l’éducation populaire, de l’économie alternative, l’économie sociale et solidaire. Des gens qui agissent au quotidien pour un autre monde.

Dans les milieux chrétiens, jusqu’à récemment, c’était un peu plus rare de trouver des personnes vraiment engagées. Il y a, certes, toujours eu un courant pour la sauvegarde de la création. Mais c’est vrai qu’assez peu jusqu’à l’année 2015 avec l’engagement fort des chrétiens de France autour de la COP21 à Paris et la parution de Laudato Si. C’était un sujet qui n’était pas vraiment à l’agenda de nos structures ecclésiales. Mais ça a changé depuis et heureusement. Je suis nourri par toutes ces rencontres et c’est ça qui me fait évoluer (presque) au quotidien.

Pendant cette semaine de retraite que nous vivons, nous avons pris la thématique de l’émerveillement, un peu en contrepied de l’Évangile de la tentation de Jésus au désert. Comment dans ton itinéraire de conversion écologique de chrétien, le don et la grâce de l’émerveillement prend-il une place ?

Alors j’aime beaucoup ce mot émerveillement. Je me retrouve vraiment dans cette thématique que je pourrais décliner suivant de très nombreux axes. D’abord, ce qui m’émerveille en premier lieu, c’est de voir le visage et l’action de Dieu tous les jours dans ma vie et autour de moi. Je le vois principalement sur chacun des hommes et chacune des femmes que je croise dans ma vie, que ce soit à l’église ou dans la société. Je m’efforce, et ce n’est pas très difficile finalement, de voir chacun de mes contemporains comme un des visages de Dieu qui se manifeste à nous. Mon premier émerveillement, c’est cette diversité.

C’est de se dire que finalement, ce Dieu qu’on connaît, qui est insaisissable, qu’on ne connaît finalement que de très loin, il se manifeste dans une grande diversité de personnes, de visages, et que chaque être humain qui est à l’image de Dieu en est une image différente. Et c’est pour moi un émerveillement constant de voir que nous, créatures de Dieu, on est extrêmement divers et pourtant égaux en dignité.

L’émerveillement aussi, c’est naturellement de l’émerveillement du vivant devant le vivant : la fleur, les fougères, la forêt, mais aussi le merle qui vient picorer sur mon balcon. Finalement, tout ce qui a un souffle de vie. Et pour moi, effectivement, créature de Dieu, je suis vraiment toujours émerveillé par ce côté complexe de la vie et cette capacité de la vie à vivre, à être parfois là où on ne l’attend pas.

Par exemple, j’habite au centre-ville de Lyon et en bas de chez moi, il y a un garage à vélo. Dans ce caniveau, derrière des vélos qui sont plus ou moins abandonnés où certains sont en train de rouiller, il y a des herbes folles qui naissent, et un petit liseron vient enlacer des rayons de la roue de vélo.

Alors qu’on ne s’attend pas du tout à le voir ici, il a trouvé pourtant un terreau suffisamment favorable pour grimper. Il n’y a pas qu’à la campagne qu’on voit la nature et il n’y a pas qu’à la campagne que la vie apparaît. Et ça, c’est aussi un émerveillement. C’est que cette vie-là, l’être-humain n’a pas encore réussi à créer. La vie à partir de rien. C’est encore quelque chose qu’on ne sait pas faire. Et pour moi, c’est un miracle absolument incroyable que la naissance de cette vie.

Alors les scientifiques la font remonter à des milliards d’années avant nous. Mais comment cette étincelle de vie est apparue, c’est pour moi un miracle.

Je suis aussi largement bouleversé et grandement émerveillé par toutes ces personnes qui, inspirées par l’esprit, sont capables de se battre pour cette vie et pour des vies qui ne sont pas les leur. Donner sa vie pour ce qu’on aime ou en tout cas consacrer sa vie à une cause et à une cause vivante, ça mérite vraiment mon émerveillement. Je pense par exemple aux naturalistes qui se battent pour les espèces et des animaux en voie de disparition. Tout ça, ils n’y ont absolument aucun intérêt strictement personnellement, mais ce qui les pousse, là aussi c’est cet émerveillement devant la beauté du vivant. Cette action m’émeut énormément. Ce qui m’émerveille aussi, c’est le fait de se dire qu’on peut tous devenir comme ces personnes-là et à un moment on peut tous le faire le choix de l’action et de l’engagement à notre échelle.

On va poser cette question à toutes les personnes qui vont venir ici nous raconter leur parcours de conversion écologique. Est ce qu’il y a une question qui t’a nourri dans ton chemin ? Une question, quelque chose que tu as poursuivi ?

La question qui me qui me fait vraiment réfléchir aujourd’hui, c’est celle de la société qui se présente à nous. Certains disent que le mode de vie occidental n’est pas négociable. D’autres promettent la fin des énergies et la fin des énergies fossiles. On voit que le changement climatique va vraiment nous faire nous faire bouger sur nos habitudes de vie, avec les saisons qui changent, le niveau des eaux change aussi, et y compris en France ou pensait être relativement épargné. Dans des moments pessimistes, on peut se dire que tout ce qu’on a connu s’écroule et qu’on ne sait pas comment vont vivre nos enfants et petits-enfants. Mais dans les moments optimistes, on peut dire que finalement, c’est aussi l’occasion peut-être, d’inventer une nouvelle société. Alors ce n’est pas une question, mais c’est en tout cas une curiosité très extrême. Je suis curieux de voir comment va vivre l’espèce humaine dans 100 ans. Moi je suis sûr que je ne serai plus là. On peut se dire qu’un des scénarios qui nous est promis, c’est un monde brutal à la Mad Max de l’individualisme forcené et de la guerre permanente. Mais un autre monde nous est promis, celui du Royaume. Et c’est cet optimisme qui me fait essayer, à ma maigre échelle, de travailler pour que ce soit plutôt ce monde-là qui advient.

Et pour terminer, est ce qu’il y a un verset biblique qui te nourrit, qui anime et qui te parle de ton engagement écologique ?

Le premier, c’est dans le livre du Deutéronome, chapitre 30, le verset 19 « Voici J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction choisit la vie afin que tu vives pour faire le pendant. » Un autre verset dans l’Évangile de Luc au chapitre 15, verset 32, la parabole du Fils perdu et retrouvé « Mangeons et réjouissons-nous, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé. » Ce verset est pour moi porteur d’une promesse : Il n’est jamais trop tard pour changer. Il n’est jamais trop tard pour se convertir et il n’est jamais trop tard pour changer ses pratiques. Il n’est jamais trop tard pour changer le monde et se rapprocher du Royaume de Dieu.

 Quelle phrase ou quels mots est-ce que je retiens de ce témoignage ?

Comment ce témoignage m’a t il rejoint ? Quelle émotion, quel désir ou quelles peurs ?

À quels gestes, action ou rencontres est-ce que je me sens invité pour cette semaine ?

Témoignage d’Antoine Rolland (prieenchemin.org)